samedi 23 mai 2009

Quand les pharmaciens du Calvados jouent au "Parrain"...


Ce matin, alors que je prenais mon petit déjeuner et que je parcourais d’un œil morne et distrait le numéro de juin de la revue « que choisir » , je lis cette incroyable histoire qui m’a définitivement éveillé : une maison de retraite enjointe par le conseil de l’ordre des pharmaciens régional d’acheter des médicaments à proximité, conseil alors condamné par l’Autorité de la concurrence pour « action concertée ayant pour objet et pouvant avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence ». (voir le site de l’Autorité de la Concurrence http://www.autoritedelaconcurrence.fr/user/avisdec.php?numero=09-D-17).
Parle-je de la Corse ou de la Sicile ? Que nenni !
En fait, un pharmacien de la Grâce de Dieu (par Zeus, quel nom !) avait réussi à gagner la clientèle de plus d’une dizaine de maisons de retraite grâce à ses prix compétitifs, ce au grand dam de ses concurrents, plus proches des dites maisons, qui en retour avaient perdu cette clientèle ! D’où leur demande de traduire le pharmacien, à la grâce de dieu, devant le conseil régional de l’ordre. Et la conséquence de cela, le président du conseil régional de l’ordre de Basse-Normandie (voir la photo des membres du bureau ci-dessus) dégainant sa plus belle plume, et enjoignant par courrier  une des maisons clientes à s’en tenir à la proximité quant au choix de sa pharmacie ! Bon, à ma connaissance, il n'a joint aucune tête de cheval...
Ici, manifestement, le pharmacien « local » (proche des maisons de retraite) avait un peu abusé sur les prix et croyait que les papis et les mamies sucraient déjà les fraises ! Sauf que depuis qu’ils entretiennent leurs méninges avec le programme Nintendo et pratiquent la wii sports, ils sont en pleine forme et comparent les prix ! (On se croirait dans « Cocoon » de Ron Howard, dans lequel des papis retrouvent une subite jeunesse et en font alors pis que pendre…).
Mais le président du Conseil Régional de l’ordre des pharmaciens ne l’entendait pas de cette oreille : comment osaient-ils faire cela et trahir le bon samaritain qui leur servait de pharmacien et qui comptait sur eux pour rénover sa villa en bord de mer à la Baule ?
Je ne résiste pas au plaisir de citer le texte intégral de l’avis émis par l’Autorité de la Concurrence :
« Le conseil régional de l’Ordre des pharmaciens de Basse-Normandie entrave la concurrence en tentant de répartir les marchés et la clientèle entre les différentes pharmacies en prenant en compte le seul critère de localisation géographique. Le Conseil de la concurrence devra juger qu’en privilégiant le pharmacien de proximité et en empêchant le développement des pharmacies au-delà de leurs secteurs géographiques respectifs, le conseil régional de l’Ordre des pharmaciens de Basse-Normandie restreint la concurrence et favorise ainsi le renchérissement des produits et services et ce, au détriment des patients. » (http://www.autoritedelaconcurrence.fr/pdf/avis/09d17.pdf).
En fait, le prix des médicaments remboursables est administré, tandis que le prix des médicaments non remboursables ne l’est plus du tout depuis 1986, si mes informations sont correctes. Le problème vient en partie du fait que l’indice des prix des médicaments remboursables a plutôt baissé (ceux qui sont contrôlés), alors qu’au contraire l’indice des prix des médicaments non remboursables (déréglementés) a au contraire augmenté, comme le graphique ci-dessous l’atteste :
Indice des prix à la consommation* : coût de la vie, spécialités remboursables et non remboursables (Base 100 en 1990, source INSEE)


Si ce président avait lu Hotelling, il n’aurait pas eu besoin de tout cela, et n’aura pas été condamné. Un petit rappel tout d’abord sur la discrimination des prix à la Hotelling : si le prix est une variable de décision pour les entreprises, alors la différenciation des produits les incite à se localiser en des points différents du territoire, ce pour profiter d’un monopole territorial (la distance étant un coût de transport supporté par les consommateurs, ceux-ci sont prêts à payer un peu plus cher pour un pharmacien proche qui leur permet de subir des coûts de déplacement plus faibles). En clair, la distance protège les firmes en place, et plus le coût de transport est élevé, plus cela les incite à se localiser à des endroits différents pour capturer une clientèle.
Dammed ! Tout le problème vient de coûts de transport insuffisamment élevés donc, le différentiel de coût étant plus faible que le différentiel de prix, notamment sur les médicaments non remboursables.
Une suggestion pour résoudre ce problème de clients récalcitrants : augmenter les coûts de transports pour réinstaurer ce bon vieux monopole territorial, par exemple en dégonflant les pneus des fauteuils roulants des pensionnaires ou en répandant généreusement de l'huile de vidange sur la route de la pharmacie de la Grâce de Dieu, de sorte que les croulants y réfléchissent à deux fois avant d'aller acheter leurs médicaments chez ce rascal de Haute Normandie !

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