mercredi 21 avril 2010

De l'influence de la culture M'Zab sur les préférences temporelles


Après une longue et fastidieuse période de travail, rien de tel que quelques vacances loin de chez soi ! J’ai eu la chance de découvrir il y a quelques jours les portes du grand sud algérien, en l’occurrence la région de Ghardaïa pendant un court séjour. Les discussions avec quelques uns des représentants les plus éminents de la culture du M’zab* m’ont marqué à plusieurs titres, mais notamment un détail d’une de ces conversations m’a particulièrement frappé en tant qu’économiste.

[De toute façon, bien que ce soit un blog, je ne vais pas te raconter ma vie lecteur, je l’ai déjà bien suffisamment fait dans le passé en racontant mes affres de perplexité face à la définition d’une politique d’éducation efficace pour mes marmots ou en évoquant mes goûts artistiques sans doute discutables à plus d’un titre...]

En essayant d’expliquer au pauvre occidental borné que je suis la différence entre la culture mozabite et notre manière d’appréhender les choses, notre guide Omar B. (s’il lit ce blog, il se reconnaitra,  mais je pense qu’il doit être aussi étranger à la culture des blogs que l’est René Girard à l’œuvre de Vuillemin) a illustré les choses de cette manière (je rapporte ces propos sans doute de manière un peu inexacte et à ma manière mais comme je n’ai pas enregistré cette conversation, lecteur, tu devras me croire sur parole) :

«  Quand un habitant du M’Zab creuse un puits, il n’a pas pour objectif d’atteindre l’eau tout de suite ou même de son vivant, mais uniquement d’alléger la tâche de ceux qui le relaieront ensuite, les générations futures qui, elles, continueront à creuser le puits et finiront par trouver l’eau. Alors, ses descendants pourront honorer sa mémoire. »
Il m’a alors rapporté que, quelques années auparavant, un compatriote français, conseiller économique d’un personnage politique important, et lui-même en visite comme moi dans la même région, lui avait dit que c’était précisément le problème des français, leur incapacité à négliger le présent pour se projeter dans l’avenir, leur « intérieur mental » (expression authentique !) n’étant pas adapté à cela.

Tout cela est bien évidemment très poétique, mais en indécrottable insensible (notamment à la poésie et à l’opéra)  que je suis, j’ai essayé de ne pas me laisser submerger par la beauté du lieu en acceptant tout de go l’argument d’Omar. J’ai traduit son argument en termes économiques comme signifiant que certaines civilisations, en particulier celle des Mozabites, ont des préférences temporelles qui diffèrent fondamentalement de celles des occidentaux, et en particulier, un niveau de patience qui est significativement plus important que le notre, obsédés que nous sommes par la course au bonheur matériel et aux reconnaissances faciles.
Et comme je cumule le défaut d’être insensible et d’être un fieffé empiriste, j’ai voulu savoir si, dans la littérature comportementale, il y avait quelques éléments tangibles sur cette question. Mais avant même de parler de cela, un petit tour d’horizon rapide sur la question des préférences temporelles en économie.

La question de l’impatience est bien documentée en économie. Les économistes mesurent le taux d’impatience à travers la notion de taux d’escompte psychologique ou taux d’actualisation. Le taux d’actualisation mesure la vitesse à laquelle un agent écrase des revenus différés dans le temps. Plus le revenu est obtenu tardivement dans le futur et plus un individu impatient lui accordera une plus faible valeur. C’est bien évidemment une notion centrale en économie, puisque ce taux d’escompte psychologique est censé fonder la notion de taux d’intérêt (si personne n’était impatient, personne n’emprunterait pour pouvoir consommer plus aujourd’hui).

Pendant longtemps, les économistes ont supposé que le taux d’actualisation était constant : si, pour moi, 100 euros aujourd’hui valent psychologiquement la même chose que 110 euros dans un an (en supposant qu’il n’y a pas d’inflation et pas de risque dans cette économie fictive), alors avoir 100 euros dans un an vaut psychologiquement la même chose que d’avoir 110 euros dans deux ans et ainsi de suite. Dans cet exemple très simple, mon taux d’escompte est de 10% (ou mon facteur d’escompte de 0.9), il mesure la vitesse à laquelle je déprécie une période t+1 par rapport à une période t, cette vitesse étant supposée (dans la théorie économique standard) ne pas changer pour deux périodes immédiatement proches.

Une grande masse de faits empiriques sont venus contester cette manière de voir les choses, la plupart des études (une recension des plus connues est celle de Frederick et al 2002 dans le JEL) montrant que le taux d’escompte n’est pas une constante. En l’occurrence, le taux d’escompte entre aujourd’hui et demain est beaucoup plus important pour la plupart des gens que le taux d’escompte entre demain et après demain, matérialisant ce que l’on a appelé dans la littérature des fonctions d’escompte hyperboliques. En clair, je déprécie beaucoup plus fortement le futur proche que le futur lointain, ce qui n’est pas conforme à ce que suppose habituellement la théorie économique.

Comment mesurer les préférences temporelles des gens ? En fait, sans vouloir faire un débat méthodologique très élaboré là-dessus, il suffit de leur demander comment ils arbitrent entre une somme disponible tout de suite et une autre somme disponible à un horizon futur bien spécifié (méthode dite de « choice task »).
Il est également possible de leur demander quelle somme il faudrait leur octroyer à une période future pour qu’ils acceptent de sacrifier un revenu présent. Les deux approches sont en général utilisées de concert pour « éliciter » (mesurer) le taux d’escompte psychologique des individus (méthode dite de « matching task »).

Une des premières études empiriques là-dessus fut réalisée par Richard Thaler, qui finira bien par avoir le prix Nobel tant sa contribution à la connaissance moderne en matière de comportements économiques est importante. Dans une étude publiée en 1981, il propose à des participants de choisir entre 15 dollars immédiatement disponibles et une somme x disponible dans un mois, une somme y disponible dans 1 an et une somme z disponible dans 10 ans. Les participants doivent indiquer les valeurs minimales x, y et z qu’ils demandent pour renoncer aux 15 dollars immédiats. La réponse médiane est x= 20$, y=50$ et z=100$. Ces réponses impliquent respectivement un taux d’escompte annuel pour une période d’un mois d’environ 350%, de 120% pour une période d’un an et de 20% pour une période de 10 ans. Le problème est que cette réponse n’est pas compatible avec la représentation du taux d’escompte standard en théorie économique, pour dire vite celle formalisée par Samuelson en 1937, le taux d’escompte annuel étant une fonction décroissante de l’éloignement dans le temps, et pas une constante.

Je n’irai pas plus loin sur les implications de cette découverte, mais elle est grande pour les économistes. Par exemple, des individus qui ont des préférences temporelles hyperboliques sont susceptibles d’être incohérents dans le temps, ce qui signifie qu’ils ne sont pas parfaitement rationnels (voir mon dernier billet sur les choix dynamiques). Dès lors, si je sais, en tant que banquier, que mon client exhibe des préférences hyperboliques, je peux lui proposer des produits financiers qu’il va d’abord accepter en étant prêt à payer pour cela, puis, avec le passage du temps, sera prêt à payer pour s’en débarrasser ! Prenons un exemple. Supposons que M. X ait des préférences temporelles hyperboliques, par exemple un taux d’escompte de 5% entre aujourd’hui et demain et un taux d’escompte de 2% entre demain et après demain. Si son banquier lui propose un produit financier qui lui rapporte 3% à compter de demain pour après demain, il accepte. Mais demain, exigeant un retour de 5%, il sera prêt à payer pour se débarrasser de ce produit qui ne lui rapporte que 3%. Dès lors, je peux le faire jouer contre lui-même perpétuellement et le ruiner à mon profit (l’exemple du banquier est totalement fortuit, je ne crois pas que mon banquier ait eu vent de ce problème d’incohérence temporelle et qu’il soit pervers à ce point).

Bon, revenons à nos moutons, ou plutôt à nos habitants du M’Zab. Sont-ils réellement plus patients que les autres i. e. adoptent-ils des taux d’escompte significativement plus faibles que les occidentaux notamment sur le long terme ?
 A ce point là, lecteur, je dois bien dire que je n’ai pas été capable de trouver une étude publiée sur les préférences temporelles des mozabites, et, si quelqu’un est prêt à financer une telle étude, je suis prêt avec ma générosité proverbiale à me dévouer pour aller faire du field experiment à Gardhaïa et même pousser jusqu'à Tamanrasset et Djanet. C’est dire combien je suis dévoué à ma science !

Par contre, j’ai trouvé une étude assez récente de Wang, Rieger et Hens ici qui compare les préférences temporelles dans 45 pays. Il n’y  a pas l’Algérie, et encore moins la région du M'Zab, mais il y a le Nigeria. Je ne suis pas sûr de la proximité entre les résultats obtenus au Nigeria et le sud algérien, mais je n’ai guère le choix.
Certains des résultats sont résumés dans le graphique suivant.

figure : taux d'escompte annuel implicite horizon d'un an (axe des abscisses) / horizon de 10 ans (axe des ordonnées)

source : Wang, Rieger & Hans, 2009

Un petit commentaire sur ce graphique. Si la forme du nuage était celle d'une droite à 45°, les individus ne seraient pas sujets à la procrastination, c'est-à-dire qu'ils ne feraient pas état de préférences hyperboliques. La plupart des individus, quel que soit leur pays d'appartenance, font montre d'un taux d'escompte à court terme très supérieur à leur taux d'escompte de moyen-long terme (dix ans). Surtout, par rapport au propos du billet, les habitants du Nigeria, s'ils font montre d'un taux d'escompte de court terme (autour de 200%) supérieur au taux médian (100%)  ont un taux d'escompte de long terme également plus élevé que le taux médian de 19%, de l'ordre de 42% par an. La France n'est pas présente apparemment dans l'étude, mais si on prend la Suisse ou l'Allemagne comme proxy, les taux d'escompte, qu'ils soient de court ou de long terme, sont plutôt significativement plus faibles que la moyenne, et plus faibles que par exemple ceux mesurés au Nigeria. Par contre, point assez intéressant, il ne me semble pas qu'il y ait une corrélation simple entre niveau de PIB par tête et taux d'escompte, qui parait intuitive (un plus haut niveau de revenu par tête étant lié à des niveaux d'impatience plus faibles) mais qui ne ressort pas du tout nettement du graphique. On trouve ensemble la Thailande et la Norvège dans les taux les plus faibles, et les pays de l'Est dans le groupe des taux les plus forts. Il semble donc bien qu'il existe effectivement une influence de la culture d'un pays sur les taux d'escompte psychologiques. Mais d'autres facteurs mentionnés par ces auteurs sont importants, comme le niveau d'éducation qui augmente le niveau de patience des individus.
Dès lors, si l'image du mozabite patient est poétiquement magnifique, elle ne me semble pour le moment pas scientifiquement fondée.... Mais il est vrai que je ne vois pas encore de moyen de faire une étude expérimentale sur les taux d'escompte psychologiques pour des horizons plus importants que celui d'une génération, et il y a donc encore matière à innover dans ce domaine,.
Par conséquent, en ce qui concerne les valeurs de la civilisation mozabite et sa conception du temps,  il reste possible de penser, comme le disait Peter Parker alias Spiderman dans un vieux numéro de Strange des années 70, "c'est tout même permis de rêver, non ?".



* : le M’Zab est une région de l’Algérie située à environ 600 km au sud d’Alger (voir la carte ci-dessous).

samedi 10 avril 2010

Choix dynamique, incohérence temporelle et "proposition indécente"


Content de te retrouver, lecteur, après quelques semaines plus erratiques pour ce blog, expliquées en grande partie par mon implication dans un concours de l'enseignement supérieur. Par avance, merci, tout s'est plutôt bien terminé pour moi et certains blogueurs ont été très gentils comme tu as pu le voir dans quelques commentaires récents, assez incompréhensibles quant on ne dispose pas de cette information...
Le plus important pour ce blog est que maintenant, je vais pouvoir reprendre le fil de mes billets en reprenant la discipline que je m'étais imposée de contribuer régulièrement...


La TNT vient de rediffuser il y a quelques jours un des sommets artistiques d'Adrian Lyne, Proposition indécente.
L'histoire, ultraconnue, est la suivante : Madame, membre d'un couple ruiné mais amoureux, a une proposition d'un milliardaire, incarné par le grand Bob Redford, pour passer une nuit avec lui moyennant 1 million de dollars. Ce million est plus qu'il n'en faut pour sauver le couple de sa détresse financière, bien que nous soyons en Californie. Après diverses tergiversations dignes "d'amour, gloire et beauté", celle-ci, avec l'accord de son mari, finit par accepter la proposition. 

 Bien évidemment, ce qui devait arriver arrive. La belle est complètement tourneboulée par cette nuit, et ne réussit pas, contrairement à la planification initiale de ses décisions, à oublier les moments qu'elle a passé avec Bob. Quelques éruptions lacrymales et jets de vaisselle cassée plus tard, elle quitte le pauvre Woody et va vivre avec Bob, qui, le damné coquin, lui fait une cour effrénée il faut bien le reconnaitre. Mais à l'ultime fin du film, le mari cocu comprend finalement dans quelle situation impossible il a mis sa femme, qu'il doit lui pardonner et, sa rédemption achevée (il refuse même le million de dollars, c'est vous dire à quel niveau de rédemption on est!), va voir une ultime fois son ex; Celle-ci, écrasée par tant de remords finit par envoyer paître (très dignement quand même) le grand Bob et pars pour de nouvelles aventures avec son Woody devenu un autre homme.

Si je te dis, lecteur,  que c'est le réalisateur dont le chef d'oeuvre est 9 semaines et demi dans les années 80, c'est te dire que nous sommes dans les hautes stratosphères du 7ème art. Toutefois, bien que proche du zéro absolu du point de vue cinéphilique, le scénario pose très habilement des situations de choix qui peuvent intéresser bigrement les économistes et les psychologues.

[ Pourquoi tant de haine, te demandes-tu lecteur comme jadis Edika dans Fluide Glacial ? Eh bien, j'ai déjà un gros problème de crédibilité sur ce film! Oui, je m'adresses à toi lectrice surtout : si tu as à choisir entre Woody Harrelson, pauvre, et Robert Redford, certes vieillisant mais riche, que choisis tu au final ? La réponse est évidente, et en dépit de cela, happy end hollywoodienne oblige, la fille finit par décider de rester avec Woody. C'est pas du moquage de monde cela ?]

Ce film illustre au minimum une question très intéressante du point de vue de la rationalité individuelle. La première, la plus évidente, est celle de la capacité des agents à réaliser des plans qui définissent aujourd'hui une série d'actions présentes et à venir. Les économistes parlent de choix dynamiques. Un choix dynamique est simplement une situation dans laquelle un individu choisit entre plusieurs actions, puis la "nature" choisit" et enfin (dans la configuration la plus simple), l'individu est amené à choisir de nouveau à l'issue de cette séquence. Tout le problème est de savoir comment les agents se comportent dans cette situation. Cette question a été posée en son temps par Robert Strotz en 1956 qui mit en évidence les problèmes d'incohérence temporelle potentielle des agents ayant un comportement "myope"  (c'est-à-dire qui  prend en compte surtout les conséquences présentes sans anticiper correctement ou parfaitement les conséquences futures des décisions présentes) voire "naïf" (c'est à dire qui n'anticipe pas qu'il va devoir choisir à nouveau dans le futur et que ses préférences peuvent évoluer). Kydland & Prescott se sont d'ailleurs inspirés de cette idée de Strotz pour formaliser les problèmes potentiels d'un gouvernement qui choisirait les politiques économiques de manière discrétionnaire plutôt que de les fixer une bonne fois pour toutes de manière réglementaire ("rules rather than discretion", leur article de 1977).

Un petit exemple pour comprendre cela, emprunté à Homère par  le philsosophe Jon Elster : supposons qu'Ulysse arrivé à proximité de l'ile aux sirènes, décide d'écouter leur dangereux chant. C'est la mort assurée pour lui et ses compagnons, car hypnotisé par leur chant, le capitaine et ses marins conduisent le vaisseau sur les récifs entourant l'ile. Si Ulysse est totalement "myope" au sens de la rationalité, il n'anticipe pas correctement que, en décidant aujourd'hui de passer à proximité de l'ile, il provoque sa mort à plus ou moins brève échéance. S'il a une rationalité sophistiquée, il devrait anticiper cela et s'empêcher lui même de se placer dans cette fâcheuse situation. Pour s'empêcher de faire quelque chose qui sera coûteux, il se "lie les mains" en demandant à ses marins de l'enchainer au mât du navire, ceux-ci remplissant leurs oreilles de cire leur permettant de ne pas succomber à l'appel de ces créatures malfaisantes.

Pour revenir à notre belle tentée par la "sirène" Robert Redford, elle devrait anticiper qu'il lui sera impossible de l'oublier à l'issue de leur nuit, que cela sonnera la fin de leur couple et que le million de dollar ne servirait à rien. Elle devrait donc refuser la proposition puisqu'elle celle-ci sera coûteuse au final. C'est exactement, comme le note John Hey dans un de ses papiers (ici) comme dans le livre de Stevenson, Jekyll & Hyde, Jekyll adoptant ultimement un comportement "sophistiqué" consistant à tuer (physiquementt parlant, puisqu'il se suicide) son moi présent pour éviter que son "moi" futur malfaisant apparaisse à nouveau. Mais tout l'intérêt du film réside dans le comportement "naïf" ou "myope" qu'elle adopte en n'anticipant pas les conséquences ultimes de son choix et notamment la possibilité que ses préférences futures soit modifiées par la nuit avec Bob et que, in fine, elles diffèrent de ses préférences présentes.

Idem pour le mari, qui acceptes la proposition indécente, il devrait anticiper anticiper la manière dont il vivra après la nuit en question, et donc refuser le contrat proposé par Bob...

En clair, si les gens se comportaient comme la théorie économique standard le dit, il n'y aurait plus de film !

Donc la question est de savoir si ultimement, les gens sont "naïfs" c'est à dire n'anticipent pas qu'ils peuvent être incohérents dynamiquement, ou s'ils "sont sophistiqués", c'est à dire anticipent ce que seront leurs préférences futures et adoptent des actions qui, aujourd'hui, déjouent les actions potentiellement mauvaises de leur ego futur (oui, je sais lecteur, tu peux acheter des stocks d'aspirine à la tonne ici). En bref, si je suis sophistiqué, mon ego présent sait quelles actions mon ego futur est susceptible d'adopter et les conséquences qui leur sont attachées, pour moi et pour lui. Un individu sophistiqué sait qu'il joue en premier et la théorie des jeux non coopératifs peut donc être appliquée à cette situation d'interaction entre mes egos successifs.

Une étude expérimentale récente vient d'être publiée par John^3* Bone, Hey and Suckling en 2009 dans Experimental Economics (* : les trois s'appellent John, d'où le John au cube, une version du papier doit figurer ici). Leur expérience implique différents traitements dans lesquels des participants font des choix dynamiques.
Notamment, dans un des traitements, les sujets doivent choisir entre deux décisions sachant que, à l'issue de cette première série de décisions, la Nature choisira parmi deux issues, et qu'ils devront alors choisir à nouveau parmi deux décisions, et qu'à l'issue de cette dernière décision, un état de la nature sera choisi parmi deux possibles (on leur présente un "arbre de décision" qui comporte 2*2*2*2 = 16 branches). Bien sûr, avant de choisir la 2de fois, il sauront quel est l'état de la nature sélectionné juste avant. L'information est donc croissante au cours du temps. Cela ressemble à quelque chose comme cela:
 source : Bone, Hey and Suckling, 2009


Un des principaux résultats est que plus de la moitié des participants se comportent de manière "naïve" et non pas "sophistiquée" comme je l'expliquais ci-dessus. La majorité des sujets ne planifie pas vraiment ses décisions et ne se conforme donc pas à la manière dont les économistes représentent le choix dynamique. Par ailleurs, la répétition de l'expérience n'améliore pas cette proportion, les participants ne sont pas plus sophistiqués à l'issue d'un apprentissage du problème que sans cet apprentissage.La manière qu'ont les économistes de représenter le choix dynamique en termes de comportement sophistiqué est donc en grande partie à côté de la plaque, nous expliquent ces auteurs.

Donc, en dépit de sa qualité artistique pour le moins discutable, le film Proposition indécente semble d'une certaine justesse dans la manière de représenter les choix tels qu'ils sont réalisés concrètement par des personnes comme vous et moi.
Cela m'amène à une réflexion : peut être qu'en fait, le scénariste de 'Proposition indécente' était un expérimentaliste qui n'arrivait pas à publier son papier, et qui, pour survivre, a refourgué son histoire à Hollywood pour rendre publics ses résultats   ??  Hum, hum, je vais essayer de refourguer un des mes papiers à TF1 pour "Joséphine Ange Gardien", mais je ne te dirait pas, lecteur,  lequel. A toi de deviner et de visionner du coup tous les épisodes à venir.